Genaro Espósito est né dans le Barrio (quartier) de San Telmo à Buenos Aires le 17 février 1886 au 350 de la rue Carlos Calvos. Cette maison n’existe plus. A cet endroit il y a actuellement un bâtiment de trois étages. Ses parents étaient des émigrants italiens de la banlieue de Naples. A San Telmo ils avaient ouvert une épicerie-bar, ce que l’on appelle en Argentine un “ almacen “. Ils s’étaient associés pour cela à un certain Antonio Solari, lui-même pionnier du bandonéon de la première heure. Le Maestro Solari a été le premier mentor de mon père, celui qui lui révéla les secrets de cet instrument étrange et fascinant et de ses sons plaintifs. Comme l’histoire le révèle, cet instrument fut inventé en Allemagne par Heinrich Band, et faisait office d’orgue portatif durant les processions religieuses.
Orchesta Típica Genaro Espósito
Circa 1912 - 1913 José Dionisio Fuster (Flute ), Genaro Espósito (Bandoneón), Julio Doutry 'El francés' (Violín), 'El Tuerto' José Camarano (Guitar ). |
Le jeune Genaro devait en priorité travailler dans l’ ‘almacen’ afin d’aider ses parents, tout en se familiarisant dans ses temps libres avec d’autres instruments comme la guitare et le piano, en plus du bandonéon sous la férule de Antonio Solari. A mesure que le jeune Genaro faisait des progrès sur l’instrument de son choix, il communiquait son enthousiasme à son jeune frère Carlitos qui lui aussi devait devenir plus tard un professionnel du bandonéon.
A ce stade de son éducation musicale, devenir un musicien de tango argentin et d’en vivre tenait encore du domaine des rêves. Lorsqu’il eut atteint l’âge de quinze ans, il dût sortir du cocon familiale et il trouva un emploi à San Telmo chez un importateur en gros de quincaillerie et de machines diverses. (2)
Sa carrière professionnelle de musicien commença autour de 1908 avec un trio constitué d’un guitariste nommé Torres et d’un très bon violoniste qui devait plus tard poursuivre son métier avec succès à Montevideo, Federico Lafémina.
1910 vit la naissance du premier fils de Genaro Espósito, Teodoro, mon demi-frère né de la première femme de Genaro, Ernestina. Teodoro étudia le piano et son heure de réussite et de gloire arriva sous la forme d’une occasion de remplacer Luis Riccardi dans jouer dans l’orchestre de Francisco Canaro.
Orquesta Eduardo Arolas
Foto año 1919 en El parque Rodo de Montevideo Arriba: Julio González (Violín) y Admiral (Violoncello). Centro: José María Rizzuti (Piano), José Quevedo (Bandoneón) y Julio De Caro (Violín) Abajo: Rafael Tuegols (Violín),Eduardo Arolas (Bandoneón) y "El Tano" Genaro Espósito (Bandoneón) |
Dans la même année Genaro jouait avec trois musiciens dans le Café La Marina dans le quartier de La Boca au 275 Suarez, presque au coin de Necochea. Ce quartet comprenait Genaro avec le fameux guitariste “ El Tuerto Camarano “ et un jeune violoniste qui faisait ses premier pas dans le tango, dont le surnom était El Chino Agustin et qui peu de temps après devait devenir le légendaire Don Agustin Bardi. Le dernier musicien de ce quartet était le flûtiste Jose Fuster dont on peut voir l’instrument au Musée de la S.A.D.A.I.C . (Société de Musique, Auteurs et Compositeurs Argentins). (3)
En même temps que Genaro Espósito se produisait au Café La Marina, Francisco Canaro jouait quasiment à la porte d’à côté, au “ Royal “, autour de quoi est née une anecdote amusante que raconte “ Pirincho “ ( Canaro ). A côté du Café La Marina se réunissait un vague comité politique à l’étage supérieur. Entre autres choses, on jouait là aussi aux cartes, on servait des “empanadas “ et une boisson alcoolisé appelée “ Caña “. Sans doute une discussion politique, rendue plus insistante par de généreuses doses de Caña, est probablement au départ de ce qui allait suivre! Une dispute sembla avoir commencé au cours d’un jeu appelé “ Taba “, un genre de jeu d’osselets. Apparemment un des osselets, comme doté de sa propre volonté, alla frapper un des spectateurs, ce qui dût fausser le résultat du jeu. Les deux protagonistes, dans le feu de l’action et de la Cana, furent priés d’aller régler leurs comptes ailleurs, ce qu’ils s’empressèrent de faire. A peine dans la rue, leur esprit macho prit le dessus, ils sortirent leurs pistolets et commencèrent à échanger une fusillade nourrie ! Une balle perdue traversa la devanture du Café La Marina au moment précis où Genaro jouait un tango populaire de l’époque «Tirale la manteca del Gringo », qui se traduit approximativement « Tirer sur la graisse du Gringo » ! La balle finit sa trajectoire dans le soufflet du bandonéon du Tano Genaro ! Ce dernier, sans savoir ce qui allait suivre, lâcha son bandonéon et courut précipitamment s’abriter sous une table. Quelques minutes plus tard des coups de sifflets retentirent dans la rue et la police arrêta tout ce joli monde, ainsi que les badauds, pour bonne mesure. Miraculeusement, personne ne fut sérieusement blessé et le calme revint dans la « Calle Necochea ». C’est un simple épisode savoureux de La Boca vers 1912 ! (4)
Ce fut aussi cette même année que Genaro Espósito effectua ses premiers enregistrements pour la marque “ Sello Victor “ sous le nom de “ Orchesta Tipica Genaro Espósito “. C’était un quatuor (bandonéon, guitare, clarinette et violon). (5) Son deuxième disque contenait sur une face un tango de Genaro “ El Crack Larréa “ et sur l’autre “ Sueños Magnificos “ écrit et chanté par “ Ignacio Corsini ".
Au début de 1913, Genaro Espósito commença à faire sa place dans le monde du tango, ce qui lui permit d’intégrer dans son orchestre deux musiciens de talent : “ Tito”, David Roccatagliatta, et une autre célébrité du tango, le pianiste Roberto Firpo. Ce même quatuor enregistra chez “Columbia Victor” en 1913. Un de ces enregistrements était “La Picarona” de Juan Pardal, et au verso “La Montura” de Genaro Espósito, un des tangos les plus populaires du moment. Un peu plus tard ce tango fut enregistré in vivo au bar “Iglesias” au 1425 de la “Calle Corrientes”, face au “Teatro Nuevo”, aujourd’hui appelé “Teatro Municipal San Martin”.
A cette époque, le cabaret “Armenonville” recherchait un groupe de musiciens permanent. Genaro Espósito et son quatuor étaient parmi les candidats, ainsi que l’orchestre de Juan “Pacho” Maglio et la hiérarchie des musiciens de tango de Buenos Aires. «Armenonville» choisit d’engager, non pas Genaro et son orchestre, mais son pianiste, Roberto Firpo, bien qu’à l’époque celui-ci fût quasiment inconnu. Beaucoup plus tard, dans une interview, Firpo déclara : El Tano me dit, cela ne fait rien, il faut que tu saisisses ta chance, vas-y. (7) C’est une belle démonstration de l’altruisme et de la générosité proverbiale de Genaro.
Au début de 1913, Genaro Espósito commença à faire sa place dans le monde du tango, ce qui lui permit d’intégrer dans son orchestre deux musiciens de talent : “ Tito”, David Roccatagliatta, et une autre célébrité du tango, le pianiste Roberto Firpo. Ce même quatuor enregistra chez “Columbia Victor” en 1913. Un de ces enregistrements était “La Picarona” de Juan Pardal, et au verso “La Montura” de Genaro Espósito, un des tangos les plus populaires du moment. Un peu plus tard ce tango fut enregistré in vivo au bar “Iglesias” au 1425 de la “Calle Corrientes”, face au “Teatro Nuevo”, aujourd’hui appelé “Teatro Municipal San Martin”.
A cette époque, le cabaret “Armenonville” recherchait un groupe de musiciens permanent. Genaro Espósito et son quatuor étaient parmi les candidats, ainsi que l’orchestre de Juan “Pacho” Maglio et la hiérarchie des musiciens de tango de Buenos Aires. «Armenonville» choisit d’engager, non pas Genaro et son orchestre, mais son pianiste, Roberto Firpo, bien qu’à l’époque celui-ci fût quasiment inconnu. Beaucoup plus tard, dans une interview, Firpo déclara : El Tano me dit, cela ne fait rien, il faut que tu saisisses ta chance, vas-y. (7) C’est une belle démonstration de l’altruisme et de la générosité proverbiale de Genaro.
Quelque temps après, venant de Bahia Blanca, un jeune pianiste arriva à Buenos Aires. À ses débuts il survivait en accompagnant au piano les films de cinéma muet. Sans qu’on sache comment, ce jeune musicien attira l’attention de “ Eduardo Arolas “, “ El Tigre del Bandonéon (le Piazzolla de l’époque). Celui-ci donna son nom à son ami et collègue, Genaro Espósito. Roberto Firpo travaillant désormais au “ Armenonville “, Genaro recherchait un pianiste. Il décida de l’intégrer dans son orchestre et ce fut le commencement de l’éblouissante carrière de “Juan Carlos Cobián”, auteur de tant de tangos à succès, et parmi eux bien sur l’inoubliable “Nostalgias”.
Roberto Firpo jouait encore pour “ El Tano Genaro “, lorsqu’un nouveau violoniste fut incorporé dans cette formation, Ernesto Zambonini, auteur du tango “ La Clavada “. C’était un musicien talentueux de l’époque, mais un homme porté à la dispute, au caractère ombrageux, et facilement offensé. Un incident bien connu se déroula au cours d’une dispute banale entre lui et Firpo. Zambonini, pris d’une rage subite, coupa Firpo au visage, et de plus écrivit un tango sur ce thème, “Recuerdo de Zambonini”, au cas où Firpo aurait oublié l’affaire !
Vers la fin de 1913, El Quarteto de Genaro Espósito commença d’enregistrer chez “Sello Fonografica Era “. C’est aussi à cette époque que Genaro Espósito fit son premier disque de bandonéon en solo, le premier dans l’histoire du tango, bien que ce fût contesté par Juan Maglio.
Roberto Firpo jouait encore pour “ El Tano Genaro “, lorsqu’un nouveau violoniste fut incorporé dans cette formation, Ernesto Zambonini, auteur du tango “ La Clavada “. C’était un musicien talentueux de l’époque, mais un homme porté à la dispute, au caractère ombrageux, et facilement offensé. Un incident bien connu se déroula au cours d’une dispute banale entre lui et Firpo. Zambonini, pris d’une rage subite, coupa Firpo au visage, et de plus écrivit un tango sur ce thème, “Recuerdo de Zambonini”, au cas où Firpo aurait oublié l’affaire !
Vers la fin de 1913, El Quarteto de Genaro Espósito commença d’enregistrer chez “Sello Fonografica Era “. C’est aussi à cette époque que Genaro Espósito fit son premier disque de bandonéon en solo, le premier dans l’histoire du tango, bien que ce fût contesté par Juan Maglio.
Genaro eut probablement besoin d’un changement de décor: en effet, 1915 le vit se rendre à Cordoba où il joua avec grand succès dans des établissements élégants comme le “Victoria Bar” et le “Tallarin Club” avec Eduardo Monelos au violon et “El Gallego” Perez au piano. Mais l’association avec Perez fut de courte durée, ce qui confirme les difficultés qu’avait toujours Genaro avec les pianistes.
Durant 1916 commençait l’ascension d’un autre pianiste de tango qui devait devenir bien connu sous le sobriquet de “Kalisay”, de son vrai nom “Vicente Gorrese”. Il devint plus tard le pianiste de “La Típica Victor”. Espósito invita Gorrese à se joindre à sa formation, “Tano Genaro”, qui avait eu tant de succès à Cordoba. “El Kalisay” accepta la proposition. (10) Le nouveau café ou ils se produisirent était situé sur la “Calle Rivadavia”, à cette époque quartier de la prostitution. Mais du fait que les clients étant peu nombreux, ils ne jouèrent là que trois mois. Entre temps Gorrese décida de partir. Toujours les mêmes ennuis de pianiste !
Un peu plus tard, tenté par la possibilité d’être embauché dans un établissement beaucoup plus huppé comme le Café “ España “ à Tucuman, Gorrese rejoignit le “ Quarteto Genaro Espósito “ en compagnie du violoniste Mariano Alfonsin, le père d’Abelardo Alfonsin, bandonéoniste dans l’orchestre d’Anibal Troïlo, en même temps que le très jeune Astor Piazzolla. Ce quatuor connut un grand succès à Tucuman durant de nombreux mois.
Durant 1916 commençait l’ascension d’un autre pianiste de tango qui devait devenir bien connu sous le sobriquet de “Kalisay”, de son vrai nom “Vicente Gorrese”. Il devint plus tard le pianiste de “La Típica Victor”. Espósito invita Gorrese à se joindre à sa formation, “Tano Genaro”, qui avait eu tant de succès à Cordoba. “El Kalisay” accepta la proposition. (10) Le nouveau café ou ils se produisirent était situé sur la “Calle Rivadavia”, à cette époque quartier de la prostitution. Mais du fait que les clients étant peu nombreux, ils ne jouèrent là que trois mois. Entre temps Gorrese décida de partir. Toujours les mêmes ennuis de pianiste !
Un peu plus tard, tenté par la possibilité d’être embauché dans un établissement beaucoup plus huppé comme le Café “ España “ à Tucuman, Gorrese rejoignit le “ Quarteto Genaro Espósito “ en compagnie du violoniste Mariano Alfonsin, le père d’Abelardo Alfonsin, bandonéoniste dans l’orchestre d’Anibal Troïlo, en même temps que le très jeune Astor Piazzolla. Ce quatuor connut un grand succès à Tucuman durant de nombreux mois.
Dans le fameux hiver de 1918, l’année où la neige recouvrit Buenos Aires, Genaro Espósito reçut une autre offre pour se produire à Cordoba où le quatuor du Tano Genaro, formé de Kalisay au piano, Alberto Canisaro au violon, et Amado Simone comme second violon, se produisit chaque nuit avec succès durant six mois. De retour à Buenos Aires, Espósito requit encore les services de Kalisay, cette fois-ci pour jouer au “Teatro Roma” situé au 25 de la Calle 25 de Mayo. Cette formation comprendra deux bandonéons: Genaro et son jeune frère Carlitos, Alcides Palavecino au violon, et Vicente Gorrese (Kalisay) au piano. En 1918 “ L’Orchesta Tipica Genaro Espósito “ fit de nouveaux enregistrements, cette fois sous l`étiquette “ Téléphone “ avec deux tangos de Genaro: “ Eulogia “ et “ La Pelada “.
Nous sommes maintenant en 1919, et du fait de sa grande expérience à la tête d’un des orchestres de tango les plus connus en Argentine, Espósito fut invité à rejoindre une sélection de musiciens qui devaient jouer au Festival du Tango de Montevideo, Uruguay. Cet orchestre légendaire comprenait au bandonéon: Eduardo Arolas, Genaro Espósito, et “ El Negro “ José Quevedo; au violon, Rafael Tuegols, Julio Gonzales, et un autre Julio, encore presque un adolescent, le timide Julio de Caro; enfin au piano “ El Bacansito “ José Maria Rizzuti, et à la contrebasse, José Almirall.
A l’approche de 1920 se produisit une rencontre qui allait bouleverser la vie de Genaro Espósito et dont les ramifications n’ont pas tout à fait disparues. Manuel Pizarro, bandonéoniste et disciple de Juan Maglio, et parfois second bandonéon pour Eduardo Arolas, reçut par l’entremise de Francisco Canaro la proposition de former un orchestre de tango qui devait se produire en France ! (11)
Dans une interview d’un magazine argentin des années quarante, Manuel Pizarro disait : « Je ne me souviens plus de qui, mais quelqu’un m’avait dit que Genaro Espósito, de retour de Cordoba, se trouvait à Buenos Aires ». Après avoir finalement déniché son adresse, il le trouva au 1400 de la Calle Rivadavia. Lorsque je suis arrivé chez lui, “El Tano”, perché en équilibre précaire sur un escabeau, était en train d’accrocher un cadre de tableau sur le mur de la cage d’escalier!
Après les salutations d’usage et une gorgée de “ Maté “, Manuel Pizarro entra dans le vif du sujet et demanda à Genaro s’il l’intéresserait de l’aider à former un orchestre pour aller jouer en France. A cette annonce, Espósito faillit en dégringoler de son perchoir! Il resta sans voix pendant une minute ou deux, puis décida d’accepter la proposition de Pizarro.
Former un orchestre semblait assez facile à première vue. Au bar “ Maipu “, un cabaret fréquenté par des musiciens français, il serait certainement aisé d’en recruter quelques-uns. En réalité un seul était Français, Victor Jachia et, comme il n’avait pas revu sa famille depuis douze ans, il accepta. Ils l’enrôlèrent aussitôt en pensant qu’il serait utile pour les démarches administratives à venir, vu que ni Pizarro, ni Genaro Espósito ne parlaient un mot de français.
Dans une interview d’un magazine argentin des années quarante, Manuel Pizarro disait : « Je ne me souviens plus de qui, mais quelqu’un m’avait dit que Genaro Espósito, de retour de Cordoba, se trouvait à Buenos Aires ». Après avoir finalement déniché son adresse, il le trouva au 1400 de la Calle Rivadavia. Lorsque je suis arrivé chez lui, “El Tano”, perché en équilibre précaire sur un escabeau, était en train d’accrocher un cadre de tableau sur le mur de la cage d’escalier!
Après les salutations d’usage et une gorgée de “ Maté “, Manuel Pizarro entra dans le vif du sujet et demanda à Genaro s’il l’intéresserait de l’aider à former un orchestre pour aller jouer en France. A cette annonce, Espósito faillit en dégringoler de son perchoir! Il resta sans voix pendant une minute ou deux, puis décida d’accepter la proposition de Pizarro.
Former un orchestre semblait assez facile à première vue. Au bar “ Maipu “, un cabaret fréquenté par des musiciens français, il serait certainement aisé d’en recruter quelques-uns. En réalité un seul était Français, Victor Jachia et, comme il n’avait pas revu sa famille depuis douze ans, il accepta. Ils l’enrôlèrent aussitôt en pensant qu’il serait utile pour les démarches administratives à venir, vu que ni Pizarro, ni Genaro Espósito ne parlaient un mot de français.
Le certificat de baptême de Genaro Espósito. La date de naissance contient une erreur – la date réelle est 1886